Régime paléo-cétogène : c’est meilleur et c’est historiquement prouvé ?

La question peut paraître bizarre mais elle mérite d’être posée : Pourquoi faire un article sur le régime paléo ?

Parce que c’est un régime qui surfe sur plusieurs arguments pseudo-historiques pour transmettre des idées fausses et potentiellement dangereuses. Peut-être aussi parce que je suis contre l’instrumentalisation de l’Histoire dans le but de se donner une caution, de se justifier sans passer par la case « preuve scientifique ».

Parce que, tout simplement, en bon rageux quand je lis des choses stupides sur internet, ça me flingue les rétines de lire des gens qui affirme que cela soigne le cancer, la fibromyalgie, qu’ils vont maigrir sans efforts comme ça, avoir une meilleure santé. Accessoirement, c’est assez dangereux de prôner ce genre de choses fausses quand on a effectivement un cancer.

C’est le genre de promesse médiatique dont on vous révèle le programme une fois le livre acheté. En bonus, on vous offre le secret de la publicité mensongère et une leçon d’esprit critique. Alors, qu’en est-il réellement ?

Régime paléo - Intro - Notions d'Histoire

Je ne vais pas dire que ce fut un article simple. Je travaille dessus depuis plusieurs mois. J’ai rencontré plusieurs difficultés. Mes recherches ont été difficiles car les propos du régime paléo sont très mal sourcés, il y a plusieurs versions en fonction des auteurs, des forums, de l’optique végan et affiliés, etc. La rédaction fut également très compliquée car il m’a fallu faire des choix pour rester le plus accessible possible tout en expliquant au mieux les soucis de ce régime alimentaire. J’espère que mon propos atteindra son but et que cela permettra à certains d’y voir plus clair.

Une précision toutefois, je parle ici de régime paléo-cétogène sans distinction. Cela englobe les divers courants qui se revendiquent de ce régime hors cadre médical. Il serait plus logique de parler « des régimes paléolithique-cétogène » mais cela alourdirait le propos de les traiter chacun à part. Et ce d’autant plus que chacun y va de sa personnalisation ou de son opinion sur ce régime. Je me suis donc focalisé sur le gros du propos, et la base commune qui demeure le point de départ des réflexions des autres régimes.

Mon but n’est pas de m’occuper de l’approche diététique de ce régime alimentaire. Mon but n’est pas non plus de m’intéresser aux composantes complotistes que l’on peut trouver dans ce régime. Mon objectif est de revenir sur l’argumentaire pseudo-historique  à l’œuvre et qui vise à légitimer cette diète.


Qu’est-ce que le régime paléo-cétogène ?


Pour ceux qui ne connaissent pas, le régime paléo-cétogène c’est un régime alimentaire qui propose de suivre l’alimentation des hommes de la préhistoire d’avant la révolution néolithique. Selon les défenseurs de ce régime, il faut consommer des aliments en se basant sur ce que les hommes du paléolithique auraient pu consommer. Cela inclut :

  • une part importante de viandes maigres constituée de gibiers, volailles et de ruminants
  • du poisson
  • des noix et des baies
  • une part importante de lipides, essentiellement des graisses monoinsaturées et polyinsaturées. Avec des oméga-3, mais sans oméga-6 ni acides gras saturés.
  • Peu de glucides. Il s’agit d’éviter au maximum les céréales, les produits laitiers et de consommer des fruits et légumes pauvres en glucides. On évite aussi les féculents.
  • un apport important en fibres, constitué de fruits et légumes frais

Ce régime exclut tous les produits issus de l’agriculture et de l’industrie agroalimentaire :

  • produits laitiers
  • céréales
  • légumineuses
  • huiles
  • sucre raffiné
  • sel
  • produits transformés
  • alcool et café
Alimentation régime paléo - Notions d'Histoire
Visuellement, de manière raccourcie, le régime paléo se présente ainsi. C’est un peu caricatural mais bon…

Le régime paléolithique suppose que :

Les chasseurs-cueilleurs du Paléolithique avaient des besoins nutritionnels adaptés à la nourriture disponible à cette époque, et que, malgré les milliers d’années de développement de l’agriculture, les besoins nutritionnels de l’homme actuel diffèreraient peu de ceux du Paléolithique. Selon eux [les défenseurs du régime paléolithique], le métabolisme humain n’aurait pas encore eu le temps de s’adapter à la plupart des aliments issus de la révolution néolithique (apparition de l’agriculture et de l’élevage), et assimilerait ainsi mal les céréales, les légumineuses et les produits laitiers. Ceci serait, toujours selon eux, la cause du développement de l’obésité, des maladies cardiaques et du diabète. Ils préconisent donc un retour à l’alimentation qui prévalait au Paléolithique.

Le régime cétogène est quant à lui une conséquence du style de régime mis en avant par le régime paléolithique.

Ces quelques explications sur le régime paléo en tête, décortiquons un peu l’argumentaire de base mis en avant par ses défenseurs. Une fois encore, je précise que je m’occuperai uniquement de ceux concernant l’Histoire et laisserait de côté ceux concernant la diététique pour ne pas tout mélanger.


Problèmes historiques quant à ses définitions


Bien que la part de protides, glucides, et lipides soit variable en fonction des apports de la chasse-pêche et de la cueillette, ainsi qu’en fonction des zones géographiques, il demeure assez difficile de préciser de manière simple quelles proportions il y avait dans l’alimentation des hommes préhistoriques. Cela peut expliquer qu’il y a une première difficulté quant à l’élaboration d’un régime de type paléolithique.

Par ailleurs, il y a un autre souci qui est que la zone géographique occupée par les hommes du paléolithique est très vaste et inclut des zones chaudes, tempérées, froides avec des environnements, une faune et une flore qui n’ont rien à voir entre eux. Cela rend encore plus difficile l’élaboration d’un régime en tant que tel.

Bear Grylls paléo - Notions d'Histoire.jpg
Bear Grylls mange un poisson cru en Alaska. Alimentation paléo ? Plus simplement une alimentation omnivore opportuniste. La différence est importante.

Ensuite, il faut comprendre que dans un contexte de survie au paléolithique on consomme les aliments les plus caloriques. Cela inclut donc des aliments comme la viande principalement (avec les abats, etc) et la graisse.

Cela dit, cela ne signifie pas pour autant que l’on ne consommait que cela. Par exemple, dire que les hommes préhistoriques ne consommait pas de glucides est une erreur.

En somme, ce qu’il faut comprendre c’est que l’alimentation des hommes du paléolithique est une alimentation opportuniste.

En tant que tel, il est difficile de pouvoir fournir une alimentation  qui ne soit pas juste supposée :

  • Supposée car nous tirons des conclusions des fragments d’Histoire qui parviennent jusqu’à nous.
  • Supposée car nous sommes dépendants des découvertes que nous faisons.
  • Supposée également car il s’agit de tirer des moyennes du peu de données que nous obtenons sur une période et une aire géographique très large et disparate.

On ne peut donc pas réellement affirmer que les hommes préhistoriques consommait ceci plus qu’autre chose. A cela s’ajoute l’évolution naturelle des produits et la sélection par l’agriculture et l’élevage. Ainsi, une banane à notre époque n’a strictement rien à voir avec son équivalent préhistorique. Il est donc très difficile de suivre un régime paléo stricto sensu. Il s’agit donc plutôt d’une inspiration et de principes qui s’en veulent proches.

Ceci étant dit pour la définition du régime, voyons maintenant plus précisément l’argumentaire des défenseurs et tenants de ce régime.


L’appel à la nature dans le cadre du régime paléo-cétogène


Dire que l’on souhaite se rapprocher d’une alimentation plus naturelle et donc que cela implique de travailler sur une alimentation imitant le régime préhistorique suppose plusieurs choses.  Cela suppose tout particulièrement que ce qui est naturel est meilleur et c’est le principal argument à tendance historique des défenseurs du régime paléo.

Or, l’argument du naturel ou aussi nommé « appel à la nature » n’est pas un argument.

L’appel à la nature est un argument rhétorique qui consiste à justifier un jugement moral sur l’on ne peut pas vraiment justifier autrement.

Nous ne sommes donc pas dans le cadre d’une argumentation de type rationnel.

One Punch Man - Notions d'Histoire
Redites-moi encore une fois que c’est mieux parce que c’est naturel… Juste une fois, pour voir…

L’appel à la nature met en place une sorte de manichéisme qui véhicule plusieurs problèmes. Si la réflexion se base sur une dualité en apparence simple ce n’est pourtant pas le cas.

Ainsi, selon l’appel à la nature, je peux énoncer et affirmer clairement que : « consommer des fruits et des légumes et de manière général plus de végétal est sain puisque que naturel ». Je pense que tout le monde est d’accord a priori sur cette affirmation.

« Consommer des amanites phalloïdes est sain puisque naturel. » Ah mais ça ne marche plus ? En fait, dire que quelque chose est naturel ou non n’est en rien une argumentation valide. Voici quelques éléments qui sont naturels ;

  • Le cancer est naturel.
  • La mort est naturelle.
  • Le pétrole est naturel.

Le raccourci qui voudrait que naturel équivaut à sain ne repose en réalité sur rien. En conséquence, chacun y insère ce qu’il veut où ce qu’il peut. Non, ce n’est pas sale.

Il n’y a donc rien à retenir de l’argumentation du naturel. Ce n’est ni historique ni scientifique et cela ne prouve rien du tout.


Le régime paléo, l’alimentation la plus adaptée, c’est plus sain


Sur quelles bases peut-on affirmer que le régime alimentaire des hommes préhistoriques serait plus sain ?

Je me suis donc intéressé à plusieurs points du discours des tenants du régime paléo pour essayer de comprendre le propos. J’en ai retiré plusieurs arguments qui sont les suivants :

  • En remontant aux origines de l’homme, on peut trouver les origines de l’alimentation la plus adaptée. Nous l’avons vu juste avant le fait de parler des origines, c’est un appel à la nature et à l’ancienneté mais cela ne prouve rien. Je ne reviens donc pas dessus. En revanche qu’est-ce qui fait que ce serait plus adapté ?
  • L’être humain n’a pas eu le temps de voir son métabolisme s’adapter à notre alimentation actuelle, ce qui provoque donc différents problèmes du corps et des maladies.
  • Les maladies et problèmes du corps sont imputés à la révolution néolithique.
Cahier de régime paléo - Notions d'Histoire
Quand je lis une couverture de ce genre et que je vois l’argument « naturel » et « ancestral », je me dis déjà qu’il y a un problème. Comme si en mettant juste des mots clefs, on garantissait la qualité de ce qu’on va faire lire… Comme si c’était forcément plus sain…

Reprenons donc rapidement ces points et surtout l’idée d’une alimentation plus adaptée.

Concernant les origines de l’alimentation la plus adaptée, on ne trouve pas d’argumentation ni même de bases scientifiques des tenants du régime paléo. Plusieurs questions me sont donc restées en suspens : qui et pourquoi a choisi de fixer l’alimentation permettant le régime paléo à une période précise et sur quelles bases ?

J’ai trouvé que le régime paléo se basait pour une part sur les propos de Loren Cordain, diététicien américain. J’ai également vu citer plusieurs fois le nom du docteur S. Boyd EATON. Je reviendrai sur cela un peu plus loin dans cet article. De manière similaire, les propos de Gilles Delluc sont très intéressants et ont le mérite d’être accessibles.


Comment donc ont été fixé les limites et les bases de ce régime ?

Je veux dire par là que ça semble tout à fait arbitraire de poser un nouveau régime alimentaire en se disant qu’on va manger de la viande, des fruits et des légumes mais avant toute perturbation causée par l’agriculture.

C’est ça l’alimentation naturelle la plus adaptée ? En vertu de quoi ? Pourquoi ne pas être remonté à une alimentation encore plus originelle avant l’invention du feu ? Après tout si on suit la logique du « plus naturel », le feu c’est une perturbation de notre alimentation et nous sommes le seul animal qui cuit ses aliments. Pas très naturel tout ça, non ?

Bon, dans les faits, je pense que les personnes se sont dit que vivre comme des hommes préhistoriques totalement n’étaient pas forcément une idée géniale et qu’il ne fallait peut-être pas trop déconner non plus. Il faut garder un minimum de confort, encore plus si celui-ci peut être intellectuel.

Je passe sur l’idée que nous serions ce que nous mangeons parce que pour le coup, j’ai mal pour les gens qui ont une alimentation saine et qui attrapent tout de même des maladies et des cancers.

Tadmorv - Notions d'Histoire
Moi aussi je peux faire du raisonnement binaire pour pointer du doigt que certains font en réalité n’importe quoi.

L’alimentation de homo erectus : pourquoi ce modèle ?

Ensuite, on part généralement de l’alimentation supposée de homo erectus. Pourquoi ?

Je n’ai pas de certitudes – par manque de sources à propos de ce régime – mais je pense deviner qu’il s’agit d’une idée simple.

Homo erectus est le premier specimen du genre homo qui n’est plus adapté à un mode de vie arboricole et qui est probablement le plus ancien ancêtre bipède du genre humain.

Fait étrange, au niveau alimentaire, homo habilis, son « prédécesseur » était déjà omnivore et consommait de la viande. Je n’ai toutefois pas suffisamment trouvé d’éléments me permettant de comprendre pourquoi cette distinction, à savoir le choix d’homo erectus comme point de départ, a été réalisée. De la même manière, le débat reste ouvert en préhistoire quant à savoir à quel moment faire débuter cette période. Le fait que ce soit homo erectus qui découvre le feu doit jouer également, comme dit précédemment.

L’idée fondamentale qui permet aux tenants de ce régime de dire que l’alimentation paléolithique est la plus adaptée repose sur le principe suivant :

Les chasseurs-cueilleurs du paléolithique avaient des besoins nutritionnels adaptés à la nourriture disponible à cette époque.

Petit problème donc car si je comprends bien la phrase, cela revient à dire que les choses étant bien faites, les humains d’alors se voyaient pourvu par la nature d’une alimentation directement adaptée à leurs besoins. C’est une logique fataliste qui reste à démontrée.

La logique voudrait plutôt que les êtres de l’époque avaient une alimentation opportuniste, mangeant ce qu’ils trouvaient. En conséquence, par évolution et sélection naturelle, ces êtres se sont adaptés à leur environnement et non l’inverse comme le suppose indirectement la phrase citée. C’est juste une réflexion logique si on suit la théorie de l’évolution en fait.

Ce qu’on peut observer au final, c’est surtout une grosse part d’arbitraire dans les définitions de ce régime, des erreurs historiques et une mécompréhension de la théorie de l’évolution. C’est déjà pas mal diront certains. Mais le meilleur reste à venir.


La faute de la révolution néolithique ?


Dans le même contexte d’idées relativement bancales sur le paléolithique, il est intéressant de noter les attributions de maladies diverses à la révolution néolithique. En cause un changement d’alimentation dû à ceci :

Révolution néolithique troll - Notions d'Histoire

Si des choses comme les caries sont effectivement liées à la consommation de produits céréaliers et de sucre, dire que les hommes préhistoriques ne connaissaient pas le cancer ou d’autres maladies dégénératives parce qu’ils n’avaient pas le même régime que les humains post-révolution néolithique, c’est aller un peu vite en besogne.

En effet, imputer la raison de l’absence de maladies uniquement à un régime alimentaire, cela relève d’un fantasme ou d’une méconnaissance des phénomènes relatifs aux maladies :

  • C’est méconnaître les processus complexes des maladies dégénératives.
  • C’est faire un raccourci assez éhonté sur la causalité des maladies en réduisant cela au seul facteur alimentaire.
  • C’est se dire qu’une maladie comme le cancer (maladie complexe à plusieurs facteurs ) – qui est liée au vieillissement pour une part importante – n’existait pas chez les préhistoriques à cause de leur alimentation plutôt que du fait d’une espérance de vie moindre, de facteurs multiples comme l’hygiène, les conditions de vie, etc. Sachant que l’alimentation ne serait responsable (en plus d’être lié à d’autres processus) que de 30 % environ des cas de cancer.

Ainsi donc, le régime paléo et ses tenants mettent en avant que la révolution néolithique est la cause de tous les maux. En plus d’une formidable appel à la nature comme nous avons pu le voir auparavant, les accusations portent principalement sur des points comme :

  • une absence d’adaptation à ce nouveau mode alimentaire, y compris au bout de 10 000 ans.
  • une exposition aux famines que l’on ne connaissait pas avant.
  • de nouvelles maladies du fait d’un changement d’alimentation.

Je vais reprendre ces points rapidement et je traiterai celui sur l’adaptation dans la partie suivante.


Les famines sont apparues au néolithique et n’existaient pas avant !

Il est tout à fait logique de dire que les famines soient apparues au néolithique. C’est tellement logique que j’en cherche encore des sources éventuelles.

D’un point de vu logique, il est cohérent de dire que nous sommes plus soumis aux famines dans un contexte de concentration des ressources et des récoltes, de perte des récoltes, etc. C’est une réalité.

Toutefois, le passage à l’agriculture et à une vie de type sédentaire ne s’est pas fait dans une logique débile qui voudrait, à en croire certains, que nous aurions quitté un Eden pour une virée dans l’enfer des céréales et des famines.

Des famines, il y en avait aussi au paléolithique, tout comme les périodes de disettes. Par exemple, les traces de cannibalisme au paléolithique sont un bon indicateur d’épisodes potentiels de famine, en plus des cas « rituels ».

De la même manière, le fait que les êtres humains de la préhistoire aient consommé des charognes permet, je pense, de bien comprendre le souci quant à la disponibilité de la nourriture.

Je me suis toute fois posé la question suivante : pourquoi et comment certaines personnes en sont venues à imputer autant d’éléments négatifs à la révolution néolithique ? En fouillant un peu, je me suis rendu compte qu’il y avait des incompréhensions quant aux phases de sédentarisation et « d’agriculturisation ».


A cause du néolithique et d’une mauvais alimentation, on a rapetissé !

Par exemple, le fait d’observer une diminution de la taille des humains entre le paléolithique et le néolithique a fait dire à certains que c’était du fait d’un changement d’alimentation.  Il n’y a pas que cela, ce n’est pas une cause unique qui a provoqué cette diminution de taille.

– Il y a 10 000 ans, au Néolithique, notre espèce était plus petite (soit 162,5 cm en moyenne). Changement climatique mondial, nouveau régime alimentaire et ses corrolaires (malnutrition…) sont probablement à l’origine de ce rapetissement.

Le processus évolutif de sélection naturelle est en marche : les individus plus petits ont moins de besoins énergétiques (entre autres) et ont donc plus de chance de survivre et de se reproduire.

Source.

Le problème encore une fois, c’est qu’en agissant ainsi, ces personnes éludent totalement les autres facteurs et notamment les changements de mode de vie. Si les choses étaient aussi simples, nul doute ne subsisterait aujourd’hui et on ne débattrait pas encore la question.

Jean-Luc Voisin (MNHN) « Certes la diminution de taille peut être due à de nouveau mode alimentaire, mais au Néolithique, la nourriture devait être moins restreinte qu’au Paléolithique. En effet l’agriculture et l’élevage permettent d’avoir de la nourriture continuellement et donc les périodes de disette étaient plus rares. Mais, ce nouveau mode de vie nécessite que tous les bras travaillent. Ainsi les enfants sont, dès leur plus jeune âge, associés à des travaux, notamment des portages physiques qui bloquent la croissance. Il faut aussi voir que la taille, comme d’autres caractères humains, subit des variations cycliques« .

Source.

Donc en fait, c’est pas l’alimentation le problème malgré ce que les tenants du régime paléo peuvent affirmer en boucle. D’où l’intérêt de bien chercher à comprendre un phénomène dans son ensemble avant de formuler des théories. Surtout quand on prétend aporter autant de bénéfices que le fait ce régime paléo.


Oui mais au néolithique, on a vu apparaître plus de maladie parce qu’on avait une alimentation inadapté !

L’argument des maladies, je voulais revenir dessus car là aussi, c’est une vision qui ne prend que ce qui l’arrange.

Oui, il y a eu une augmentation du nombre de maladies avec la révolution néolithique. Cependant, pas pour les raisons évoquées par les tenants du régime paléo, donc pas pour une question d’alimentation.

Il s’agit tout simplement de maladies dues à la proximité avec les animaux du fait de l’élevage. Par ailleurs, on peut y trouver énormément de points négatifs sauf que si on y regarde bien, cela a permis aux humains de s’immuniser à beaucoup de maladies, ce qui fut un atout non-négligeable dans l’histoire de l’évolution humaine.

Tout cela pour dire qu’avant de critiquer un événement historique, il est important de regarder les faits dans leur ensemble, de s’intéresser aux tenants et aux aboutissants de ces faits et d’exercer un doute méthodique.

Partir avec une idée préconçue sur le sujet ne fera que réaliser des erreurs. On vient de le voir avec ces différents points d’arguments mais c’est aussi le cas avec le cœur de la réflexion du régime paléo. Réflexion qui porte sur l’aspect évolutif de l’humain.


L’argument évolutif ou l’idée que nous ne serions pas adaptés à notre alimentation actuelle.


Concernant l’absence d’adaptation du métabolisme humain, c’est assez cohérent à mettre en place sur le papier mais il n’en demeure pas moins que c’est inexact.

L’être humain n’a pas eu le temps de voir son métabolisme s’adapter à notre alimentation actuelle, ce qui provoque donc différents problèmes du corps et des maladies.

Ce propos que je résume ici en synthèse est trouvable un peu partout ainsi qu’avec ses variantes. Cela me fait penser que certains sont très sélectifs dans leurs lectures ou alors qu’ils ne cherchent pas à se donner tord et à confronter leurs sources. Voyons donc plus en profondeur le topo.

L’être humain n’a pas eu le temps de voir son métabolisme s’adapter. Là, j’ai envie de dire tout simplement le classique : « Source ? »

En guise de source je suis tombé régulièrement sur ça :

« En 1985, le Dr S. Boyd EATON (Université Emory, Atlanta, Géorgie), anthropologue médical de renom, publie un article [note : intitulé « Paleolithic Nutrition »] dans lequel il indique que l’alimentation idéale pour la ligne et la santé serait celle de nos ancêtres du Paléolithique: « La fréquence des mutations spontanées de l’ADN du noyau cellulaire est de l’ordre de 0,5 % par million d’années, plaide-t-il. Nos gènes sont donc très proches de ceux de nos ancêtres du Paléolithique, il y a 40 000 ans. Ce qui a changé, c’est notre alimentation, avec l’avènement de l’agriculture il y a 10 000 ans, et surtout la révolution industrielle. Nous ne sommes plus adaptés génétiquement au mode alimentaire actuel. L’alimentation paléolithique ou pré-agricole peut donc être considérée comme un modèle pour la nutrition moderne » … »

Pour info, Eaton n’est pas un anthropologue, c’est un radiologue. C’est son co-auteur Melvin Konner, qui est anthropologue. Mais ce n’est qu’une erreur parmi tant d’autres qu’on retrouve quand on s’intéresse au régime paléo…

Ceci étant précisé, intéressons-nous au propos. Deux problèmes :

  • D’une part c’est un raccourci extrême sur les questions de génétiques, surtout quand on voit l’évolution du génome humain en rapport à la période du régime visée.
  • D’autre part, c’est également véhiculer de fausses idées sur le rapport à la nutrition et à la génétique.

Deux choses sur la question génétique. Premièrement, prendre l’ADN comme argument d’une adaptation me semble un peu bancal. Dire que « nos gènes sont donc très proches de ceux de nos ancêtres du Paléolithique » pose le problème de la similarité des gènes inter-espèces à la vue de leur différence. Là où nous devrions avoir une logique « même bagage ADN, même résultat » ce n’est pas le cas.

Secondement, c’est nier assez rapidement le facteur de l’expression génétique :

« Notons qu’un même ADN peut à deux étapes du développement d’un organisme s’exprimer (en raison de répresseurs et dérépresseurs différents) de façons très dissemblables, l’exemple le plus connu étant celui de la chenille et du papillon, morphologiquement très éloignés. »

Donc même ADN mais pas le même résultat. Partir sur une justification par l’ADN est donc assez risqué. En tout cas, c’est une tentative d’explication qui ne se suffit pas à elle-même.

En plus de nier les particularismes individuels, c’est surtout faire des raccourcis assez trompeurs. La question est plus complexe que ce qu’il n’y paraît et il ne suffit pas de donner un chiffre concernant l’ADN humain pour prouver ou non une inadaptation.

Sachant en plus de cela qu’il n’est pas prouvé à aucun moment que les mutations se font sur une échelle de temps constante…

En dehors de l’argument ADN, le régime paléo met en avant l’idée que nous sommes inadapté à notre régime alimentaire actuel car notre organisme n’a pas évolué pour s’y adapter. Les tenants de ce régime reprenne le propos selon lequel :

La fréquence des mutations spontanées de l’ADN du noyau cellulaire est de l’ordre de 0,5 % par million d’années.

En suivant cette logique, la révolution néolithique n’a été effectué qu’entre -14 000 et – 10 000 ans av J.C. Cela nous donne comme créneau d’évolution au maximum de 16 000 ans. Ce qui selon les propos de Eaton et de Koner est trop peu pour voir une mutation.

professeur x - paléo - Notions d'Histoire

Ainsi, nous serions donc toujours adaptés à une alimentation datant du paléolithique. Le problème, c’est que l’on a des traces de mutation dans cette fourchette de temps. Il est donc difficile de renier les faits qui ne sont pas en faveur des tenants du régime paléo.

Dire par exemple que nous autres humains sommes incapable de digérer le lactose, comme l’affirme le régime paléo, est une erreur. En effet, il y a eu une mutation aux alentours de – 4 000 permettant aux humains de digérer le lactose après le sevrage.

Ce n’est qu’un exemple de mutations parmi d’autres. Les processus d’immunité aux maladies dues à la proximité animale dans le cadre de l’élevage ont entraîné d’autres mutations par exemple.

Attribuer des effets à un élément que l’on décrie n’en fait pas une vérité. Il est donc plus important que jamais de confronter ses idées pour voir si quelque chose en vient pas les contre-dire. Chercher à réfuter ses théories devrait être le premier pas pour la validation de celles-ci. Mais c’est sûr que surfer sur les peurs des gens, ça permet de vendre et ça prend moins de temps.


L’argument des maladies et du cancer : le régime paléo ça soigne le cancer ?


Je voulais revenir finalement sur l’argumentaire relatif au cancer. Je passerai outre sur les affirmations gratuites du style « Le régime paléo guérit le cancer, la fibromyalgie. » Ramène ta femme plus vite que la redoute, mondialement reconnu dans le quartier.

Sans sources scientifiques pour étayer le propos, ça ne vaut pas une peau de grenouille car « une allégation extraordinaire nécessite une preuve plus qu’ordinaire« . Il y a d’ailleurs là encore, quelques soucis sur la scientificité de ce régime.

Je passerai également outre sur le bien-fondé de l’affirmation qui voudrait que le régime paléo-cétogène évite le cancer car c’est ne pas comprendre que le cancer regroupe plusieurs faits et réalités. Un cancer n’est pas dû uniquement à l’alimentation, je suis déjà revenu sur ce point. Prétendre donc qu’on pourra éviter ou guérir le cancer en changeant son alimentation c’est dire que les cancers ne sont dû qu’à l’alimentation. Or, c’est erroné.

Mais il y a un argument qui demeure et résiste encore et toujours à l’envahisseur scientifique : l’exemple des populations inuits qui ne connaissaient pas le cancer tant qu’ils vivaient avec le régime paléo, avant l’occidentalisation de leur alimentation.

Qu’en est-il ? Est-ce vrai ? De même que pout les autres arguments, la référence aux populations inuits que l’on trouve parfois comme argument ultime est erronée.

Le fait qu’ils soient très proche d’une régime paléo-cétogène de manière historique n’est pas un réel argument. Ainsi, affirmer que les Inuits ne connaissent pas le cancer avec une alimentation de type paléo, c’est pousser la réflexion directement vers la porte de sortie la plus proche.

Il va de soi, à la lecture des communiqués sur la santé, que le mode de vie et l’alimentation sont des facteurs de cancer. Cependant, si l’on peut constater une augmentation des cancers chez les Inuits du fait d’une occidentalisation (et notamment en rapport avec le tabagisme et la pollution), on remarque aussi qu’en dépit de cet occidentalisation, les Inuits avaient aussi des cancers, et ce malgré leur régime paléo-cétogène. Donc non, le régime paléo-cétogène n’empêche pas le cancer mais ce n’est pas une surprise.

Voilà pour le point santé sur lequel je voulais insister parce que je trouve aberrant qu’à notre époque certains croient encore en du miraculeux qui sauverait l’Homme de manière super simple. Je rappelle qu’il y a des gens qui croient par exemple dur comme fer qu’on peut se passer de manger et de boire. Effectivement, on peut, mais c’est définitif.

Quant à l’argument historique selon lequel les populations préhistoriques ne connaissaient pas le cancer, c’est comme l’argument que j’ai entendu maintes et maintes fois sur le fait que les hommes de l’antiquité ne connaissaient pas le cancer.

Chevalier du cancer - Notions d'Histoire
J’ai peut-être un peu trop forcé sur le trolling mais j’espère que la logique fallacieuse ressortira mieux de cette manière…

Le cancer n’était pas connu en tant que cancer comme nous le connaissons aujourd’hui pour la simple raison qu’on ne l’appelait pas cancer. Ce qui peut fausser totalement les recherches et conduire à se dire que le cancer n’existait pas.

En plus des barrières de langues, il y a en plus de cela le facteur perte de documents et le fait que ce n’est pas forcément consigné sur un support écrit.

Cependant, on a des traces de tumeurs et même d’opérations de tumeurs dans certains ouvrages médicaux antiques tels que le papyrus Kahun et le papyrus Ebers.

En fait, c’est simplement une absence de recherche efficace doublée d’une méconnaissance de l’Histoire qui fait dire en conclusion à certains que le cancer n’existait pas. Ajoutons à cela que visiblement, il y avait déjà une trace de cancer datant de -120 000 ans, en plein paléolithique donc…


Que retenir ?


Ce qu’il faut retenir clairement, c’est que l’utilisation de l’Histoire, son instrumentalisation est toujours quelque chose qui se fait facilement.

Ce n’est pas parce qu’un discours prend l’aspect d’un discours scientifique qu’il est scientifiquement prouvé. Le problème quant à l’Histoire, c’est que cela demande pour une compréhension correcte une culture vaste et assez approfondie de plusieurs phénomènes. C’est aussi pour cela que l’inter-disciplinarité est importante car cela d’éviter les incohérences et les erreurs.

A chaque lecture d’une solution miracle, à chaque confrontation d’une nouvelle mode, à chaque conversation, je ne peux qu’inviter chacun à se demander si il n’y a pas d’éléments qui prouvent le contraire. C’est suivre le principe de réfutation en quelque sorte. Il convient également de prendre un moment pour réfléchir et analyser le discours qu’on nous tient permet d’éviter certains pièges.

Je ne conseille pas aux gens qui peuvent me lire de favoriser une alimentation plutôt qu’une autre, ce n’est pas mon objectif dans cet article. J’encourage simplement les lecteurs à ne pas faire certains choix pour des mauvaises raisons. Mauvaises raisons que j’espère avoir réussi à expliquer ici, bien que le sujet soit un peu compliqué.

Si on ne devait retenir qu’une chose, ce serait que ce n’est pas parce qu’on vous affirme que c’est historique, que c’était ainsi dans le passé que c’est le cas.

5 commentaires Ajouter un commentaire

  1. good article,thanks.

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  2. bpn dit :

    L’auteur n’a pas de connaissances médicales, non que je défende ce régime, mais l’aspect historique est anecdotique.

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    1. Ardes dit :

      Si vous aviez lu l’article de manière rigoureuse vous vous seriez aperçu de l’inanité de votre commentaire.

      Et ce étant donné les éléments de réflexions et les sources mises à disposition.

      Cordialement.

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  3. Olivier dit :

    Bien évidemment que ce n’est pas prouvé.
    Quand il s’agit du monde réel, on ne peut pas prouver grand chose scientifiquement. Cela s’appelle le doute Cartésien. Cogito ergo sum.
    Dès lors qu’on pose des axiomes on peut prouver des choses par déduction. Dans notre cas de l’alimentation ou de l’Histoire, bonne chance pour démontrer ou énoncer des théorèmes.
    Donc, ce qu’il nous reste à faire, c’est d’émettre des hypothèses, et de faire des expériences pour les vérifier. La meilleure façon de conclure quant à l’efficacité de se régime, c’est de l’essayer.

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    1. Ardes dit :

      Je me permets de suivre votre logique.

      Comme on ne peut rien prouver scientifiquement à propos du réel, la seule façon de savoir si on meurt vraiment en buvant de la lave, c’est d’essayer.

      Je vous laisse réfléchir un instant pour comprendre l’invalidité de votre commentaire.

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