Le meilleur remède contre les pestes

Ah les épidémies de pestes… C’est toujours un rare plaisir intellectuel que de regarder comment l’intelligence humaine va s’exprimer dans les contextes de crises. Comment dès lors passer à côté des épisodes de pestes au Moyen âge ? Impossible bien sûr. Mais loin des traitements et des préventions les plus modernes, comment remédiait-on à cette maladie à l’époque ? Le secret réside dans trois lettres. CLT !

Historiquement parlant, le seul remède contre la peste fut l’abréviation CLT. Celle-ci signifiait « Cito, Longe, Tarde » que l’on peut traduire par « Vite, Loin, Tard ». La locution plus complète est « Cito, longe fugeas, tarde redeas » et résume de manière très pragmatique l’attitude à adopter en présence de la peste : « Fuis vite, loin/longtemps et reviens tard. »

CLT - Notions d'Histoire


Une locution dans un contexte particulier : la peste


Il faut savoir qu’on désigne sous le terme de peste à la fois des épidémies très virulentes et mortelles tout autant que la peste réelle due au bacille « yersinia pestis« . En effet, le mot peste vient du latin pestis et signifie littéralement « maladie contagieuse ». Il n’y a donc pas une peste mais un ensemble de maladies qui peuvent être regroupées sous cette appellation.

Toutefois, quand on évoque la peste, c’est principalement la peste noire qui nous vient à l’esprit, sous ses trois formes : bubonique, septicémique et pulmonaire. C’est cette dernière qui a été causée par le bacille « yersinia pestis« . Véhiculée par les rongeurs et surtout le rat noir, la peste se transmet à l’homme par le biais de la puce du rat, lorsque celle-ci est infectée. Contrairement donc à l’idée reçue, ce n’est pas le rat qui est le responsable de la peste bien qu’il en soit un des propagateurs.

Particulièrement virulente au Moyen-âge, la peste a eu des impacts multiples : économiques, artistiques, religieux et bien sûr, humains. Ainsi, la population européenne a été réduite de 25 à 50% en fonction des endroits lors de la peste noire (1347-1352).

En France, ce fut environ 7 millions de personnes qui décédèrent de cette peste. Sachant que la population de l’époque avoisinait les 17 millions, c’est plus de 40 % de la population qui meurt. On peut aisément comprendre pourquoi la peste a été un tel traumatisme pour les populations, au point d’influencer tous les domaines et de marquer les esprits.

Thanos snap - Peste noire - Notions d'Histoire

En résumé : On désigne par le terme de peste toutes sortes d'épidémies mais quand on parle de LA peste, on veut parler de l'épidémie causée par <em>Yersinia Pestis</em>. Débutée au XIV°s, cette épidémie fut responsable de la disparition de près de 50% de la population européenne. Cela a énormément choquée les populations d'alors.


Le meilleur remède


Devant une telle infectiosité et une telle mortalité, le personnel soignant des différentes époques est complètement dépassé et ne parvient pas ou très peu à lutter contre les épidémies.

Les remèdes sont divers et hétéroclites : prières adressées aux saints pesteux (principalement saint Roch et saint Sébastien, traque et incinération des hérétiques et des lépreux (on les accuse de propager la peste), mise en cause des juifs (idée d’un complot des juifs contre la chrétienté : on pense alors qu’ils auraient empoisonné les points d’eaux avec la peste),  procession avec flagellation, saignées, antidotes, sécrétions animales, thériaques et bien d’autres constituent autant de moyen de pseudo-lutte contre la peste, tous avec très peu d’efficacité quand ils ne sont pas tout simplement inefficaces.

En réalité, les meilleurs moyens de lutte contre la peste ont été d’éviter la propagation. A ce niveau, les moyens mis en place ont une efficacité relative mais non négligeable. Il s’agit principalement d’éviter la propagation et la contamination.

Cela va du masque de bec de canard avec la tenue de médecin pesteux au cordon sanitaire en passant par la quarantaine et l’éponge imbibée de vinaigre des quatre voleurs. Relativement efficaces, ces dispositifs n’endiguent cependant pas la peste qui finit toujours pas réapparaître.

C’est pour cela que le seul remède viable pour les diverses populations est CLT. Fuir la peste dès son apparition pour gagner des territoires non-touchés et revenir le plus tard possible, quand tout risque est écarté, demeure durant très longtemps la meilleure des mises en garde. Toutefois, il est très largement probable que cela ait contribué à la diffusion des épidémies.

`En résumé : CLT demeura le meilleur moyen de survivre à la peste pour les populations jusqu’à l’apparition de méthodes de traitement contre celle-ci. Ces derniers n’étant apparus qu’à la fin du XIX° après la découverte du bacille en 1894.`


D’Hippocrate à Fred Vargas


Traditionnellement attribuée à Hippocrate, l’abréviation CLT s’applique aux pestes dans leur intégralité, quel qu’elles soient. De -460 à nos jours, ce sont quelques milliers d’années de pestes en tout genre qui ont marqué les sociétés victimes. Qu’une abréviation datant probablement du V°s av. J.C continue d’être le meilleur remède contre la peste durant toute cette période démontre la situation vaine dans laquelle les populations se sont retrouvées.

C’est à partir de cette situation plusieurs fois répétée, que les esprits ont été marqués. Les danses macabres sont particulièrement révélatrices du changement d’état d’esprit qui s’opère alors, ici au moyen-âge.

CLT et danse macabre - Notions d'Histoire

Dans La caverne des pestiférés, la peste est le point de départ du livre de Jean CARRIERE. La communauté qui va se former dans des montagnes et qui se retrouve en-dehors de la société – au départ par obligation puis par la suite par choix –  est alors marquée par la peste.

Toute la première partie voit la mise en place de électuaire des trois verbes puisque le personnage principal et ceux qu’il va rencontrer et qui constitueront la communauté fuient l’épidémie (qui n’est pas une peste au sens scientifique mais une épidémie de choléra). Non nommé dans le roman, CLT n’a en réalité pas besoin de l’être puisqu’il est le moyen le plus connu mis en place à chaque peste. La peste est suffisamment présente dans l’esprit des gens pour que l’on n’ait pas besoin de préciser ce qui la concerne et surtout, son absence de traitement efficace.

A ce titre, l’ouvrage d’Albert CAMUS, La Peste, paru en 1947 et primé en 1957 a contribué à cet ancrage. Il n’y a donc pas besoin de préciser qu’il faut fuir ou de rappeler la locution latine : on n’indique dans un ouvrage que ce qui n’est pas compris par le lecteur.

Nouvelle apparition dans Pars vite et reviens tard de Fred Vargas, CLT est cette fois nommée intégralement et s’impose dès le titre de l’ouvrage. L’époque ayant changé et les cas de pestes se faisant de plus en plus rare à notre époque, il est cette fois-ci nécessaire d’expliquer la citation et de lui donner un sens. Insérant la peste dans notre cadre de vie au cours de ce roman, on assiste en même temps que l’enquête progresse à la progression de la peur et de l’angoisse vis à vis de la peste.

Souvenirs et traumatismes s’entremêlent au sein de la population et c’est alors un tableau de l’immuable, d’un recommencement permanent au sein de l’histoire qui s’offre au lecteur.

« Cito, longe fugeas, tarde redeas » est une leçon sur la peur et le désarmement de l’humain face à la maladie de manière générale mais c’est également une manière d’observer l’absence d’évolution de certains traits de société pour l’historien.


`PS : Encore aujourd’hui avec par exemple l’épidémie de coronavirus et le regain d’intérêt pour cet article, il semble que la peur soit toujours un moteur puissant ainsi qu’une réponse souvent mise en avant. Les épidémies continuent de nous rappeler malgré tout qu’il faut se souvenir que nous sommes mortels.`

Annexe : article sur les épidémies et plus particulièrement sur la peste.