Génocide amérindien : la triste vérité ! #1

Dans un épisode précédent de l’incroyable feuilleton de ma vie de vulgarisateur, j’ai eu l’immense plaisir d’avoir une conversation charmante qui s’est déroulée environ comme suit :

— Dites-moi donc monsieur l’illuminati vous n’avez pas été très honnête dans votre série sur le génocide juif là ! C’est pas joli tout plein ça !

— Euh… Plaît-il ? J’ai dit une connerie quelque part ? syndrome de l’imposteur intensifies

— Nan mais vous avez défini ce qu’est un génocide, vous avez longuement parlé de la Shoah, un peu des arméniens mais vous avez passé le plus INFÂME et MEURTRIER des génocides sous silence. Franchement, si vous n’étiez pas un illuminati, je vous aurais bien accusé d’être un vendu qui nous cache la vérité !

— Euh … Plaît-il ? Vous voulez parler de quoi ?

— Bah du génocide où les européens ont tué 100 MILLIONS D’INDIVIDUS. Du génocide où les occidentaux ont déporté hommes femmes et enfants dans des CAMPS en causant de nombreuses morts. De ce génocide que les historiens continuent de taire encore et encore et qui a duré plus de 300 ans !!!

— Au risque de me répéter : plaît-il ?

— Voyez comment vous êtes de mauvaise foi ! Vous êtes vraiment mauvais ! Vous me décevez !

— Ah ça par contre je sais, je déçois souvent les gens à partir du moment où je n’abonde pas dans leur sens. D’ailleurs l’autre jour, je me suis encore fait insulté parce que…

— Mais je m’en fous, je voulais parler de VÉRITÉ et de JUSTICE moi. Reconnaissez le GÉNOCIDE AMÉRINDIEN !

— …

La légende raconte que par temps humide, on sent encore le sang de cet individu qui a maculé la rue. D’autres prétendent que ce n’était clairement pas un endroit approprié pour y carrer les chroniques de l’humanité.

En dehors de la petite anecdote sarcastique, ce cas de figure est loin d’être un cas isolé. Pour s’en convaincre, il suffit de taper “génocide amérindien” dans votre navigateur web favori pour ne tomber que sur des sites qui vous raconteront comment les méchants scientifiques trop vilains pas bô nient la cruelle réalité du plus grand génocide au monde. Snif snouf bouh ouh ouh.

Ce qui est étonnant c’est qu’il se trouve encore des gens pour défendre l’idée d’un “génocide amérindien” quand la Science a étudié, mesuré, pesé la question et conclu que cela n’en était pas un. Il s’agit d’une guerre incongrue, diablement virulente et néanmoins tristement classique entre l’opinion et la science.

Attaquons sans plus attendre l’épisode 436 du retour de la vengeance du dark come-back of doom de l’apocalypse de l’opinion sur les faits. Et pour une fois que je suis optimiste, je vais même me fendre du luxe d’expliquer les motifs de l’impossibilité du dialogue dans le cas présent. Pire encore, je vais oser proposer des solutions.


Un peu d’Histoire rapide


Qu’on soit clair entre-nous, la période concernée va de la découverte du nouveau monde par Christophe Colomb au XV°s jusqu’à quasiment notre époque présente. Il est donc impossible de synthétiser sans rien omettre plusieurs siècles d’Histoire sur un territoire aussi vaste qu’un continent. Que celui qui en doute aille jeter un œil à l’épaisseur des ouvrages sur le sujet.

Si vous voulez en savoir plus et en détails sur ce thème parce que cela vous intéresse ou bien que vous êtes un masochiste (auquel cas, je te salue cordialement cher collègue), vous trouverez plusieurs lectures au bas de cette série d’article. Un bon vieux Wikipédia au coin du feu pendant que tu me lis fera aussi très bien l’affaire pour tout ce qui échappera à ta vigilante compréhension. Mais si tu ne devais lire qu’une chose sur le sujet, ce serait le livre de Robert Royal à propos des manipulations de l’Histoire autour de 1492.1

Mais, comme j’ai dit que j’étais optimiste, voici un bref aperçu pour rafraîchir la mémoire des plus flemmards d’entre-nous :

  • Le continent américain est découvert en 1492 par Christophe Colomb. Cela marque le début d’une nouvelle ère : les échanges ne sont plus seulement centrés sur l’Europe, ils vont se faire vers le “nouveau continent”.
  • Au XVI°s, les puissances européennes se lancent dans l’exploration et la colonisation. Les européens entretiennent des relations plus ou moins conflictuelles avec les natifs en fonction des régions. La situation va de l’exploitation des rivalités tribales à la réduction en esclavage en passant par l’entraide et les échanges commerciaux.
  • Durant ce même XVI°s, les explorateurs vont sillonner le continent, s’étendre vers le nord et vers le sud. A partir de 1550 environ commence la christianisation du continent par les Jésuites.

  • Au XVII°s, la situation évolue avec l’arrivée massive d’européens qui viennent s’installer sur le nouveau continent (Le Mayflower arrive par exemple en 1620 et marque un tournant majeur dans l’Histoire des États-Unis).
    • C’est le début d’une phase d’acculturation pour les amérindiens qui se mettent à consommer alcool, armes, nouvelles céréales et nouveau bétail. Parallèlement, les rivalités tribales s’exacerbent (luttes pour les relations commerciales avec les européens notamment).
    • Les migrations indiennes commencent. Les sioux quittent le Wisconsin et le Minnesota pour partir plus à l’ouest et au sud. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. Les amérindiens commencent à vouloir s’organiser pour lutter contre les européens, par exemple en se regroupant en confédérations.
    • En 1572, l’empire inca est définitivement soumis par les Espagnols après une longue phase de tensions et de luttes.
    • La situation s’accompagne d’une évangélisation croissante des populations locales.
  • Jusqu’à la moitié du XVIII°s environ, la situation suit son cours sur les mêmes voies. L’acculturation et les tensions augmentent du fait de la pression européenne. A partir de l’indépendance des 13 colonies, la situation connaît un tournant puisque la nouvelle et fraîche démocratie américaine va chercher à accroître et consolider son pouvoir ainsi que son autorité en se rendant maître de son territoire. C’est le début d’une nouvelle phase expansionniste qui va poser de nombreux problèmes.
  • Au XIX°s donc, l’expansion et les tensions sont maximales puisque les américains et européens vont finalement parvenir jusqu’aux côtes pacifiques. Conquêtes de l’Ouest, ruée vers l’or, mise en place du chemin de fer vont être des amplificateurs des guerres indiennes. L’exploitation sous la contrainte des territoires et ressources amérindiennes va tout bonnement aboutir à des rébellions que la pression militaire et colonisatrice va tout simplement réprimer.
  • C’est ainsi qu’à la fin du XIX°s, les tribus amérindiennes sont vaincues, déportées et reléguées dans des réserves.

La situation est donc faite de plusieurs siècles de faits historiques, de plusieurs types de relations dont plusieurs bien éloignées d’une volonté d’extermination. De l’autre côté, on a tout de même de très fortes tensions, des épisodes de guerres et de massacres qui font dire à certains que ce fut un génocide. Vision des choses renforcée par le fait que les amérindiens ont été dépossédés de leur territoire de manière violente.

En résumé : La situation est compliquée et dure sur plusieurs siècles. C’est le fruit de plusieurs causes distinctes et non d’une volonté unique et centralisée. On ne peut pas résumer l’Histoire sur ce sujet aussi simplement du fait de l’aire géographique très vaste, de la durée longue. A cela s’ajoute que la culture amérindienne englobe énormément de peuples différents qui n’ont parfois que très peu en commun. Chacun a son Histoire propre et tout ceci rend le sujet très complexe mais donne déjà quelques clefs de compréhension sur la question qui nous intéresse…

Pour autant, est-ce suffisant pour pouvoir parler de génocide ?


La suite au prochain épisode, alors abonne-toi pour ne rien louper !



  1. Robert Royal, 1492 and All That : Political Manipulations of History, Washington D.C., Ethics and Public Policy Center, 1992 ↩︎

3 commentaires Ajouter un commentaire

  1. Shera dit :

    Han c’est frustrant… La suiiiite, vite!
    Le rappel du cadre conceptuel est bienvenu, on comprend bien pourquoi ça colle pas, même si ça reste un anéantissement (humain et culturel) de masse. Du coup on doit appeler ça comment? Je lis « ethnocide » dans les mots-clefs, mais il y avait tellement d’ethnies différentes concernées que là encore le terme doit déborder de la définition.
    (et sinon, dans l’intro j’ai un peu grincé des dents sur « le plus infâme et meurtrier des génocides », l’idée de les comparer et de les classer pour définir le pire et le meilleur génocide, ça coince dans ma tête…)

    J’aime

    1. Ardes dit :

      Je pense effectivement que le rappel contextuel est toujours une première nécessité avant de travailler sur un quelconque sujet. Chose qui m’a été confirmé lors du sondage sur Facebook.

      On voit clairement qu’il y a des soucis à plusieurs niveaux déjà, que l’extermination n’a pas été systématique, qu’il y a eu des alliances, que les indiens se livraient des conflits entre-eux, etc.

      Ce qui t’a fait grincer des dents est tout à fait normal mais je l’ai repris car c’est l’un des arguments (sophistique ?) les plus fréquents à ce sujet et je me le prends vraiment presque toujours sur ce sujet. C’est de la concurrence mémorielle et cela pollue de trop nombreux sujets historiques. Mais je ne spoile pas plus car on en parlera dans cette série dédiés aux amérindiens.

      Cela dit, tu tiens une excellente piste que les prochains articles vont d’ailleurs explorer en profondeur ! Je t’en dis pas plus, la suite arrive ce soir ! 😀

      Aimé par 1 personne

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.