Mythes vs légendes : pourquoi c’est pas pareil ?

Mythes et légendes font partie des sujets les plus populaires en Histoire. Dès la primaire, ils attirent et fascinent. Bien souvent même, ce que vous retenez de l’Histoire, ce sont les mythes grecs et romains. Pourtant, savez-vous faire la différence entre un mythe et une légende ?

Deux mots, deux sens différents pour deux réalités différentes.

Voici un point synthétique pour ne plus jamais te tromper. Et pour que tu cesses enfin de me péter les couilles à utiliser un mot à la place de l’autre, cet article prendra la forme d’un versus. Juste pour être sûr que l’opposition s’imprime bien dans ta délicieuse matière grise.

En guise de résumé, tu trouveras à chaque fois un petit tableau que tu pourras au besoin épingler dans ta salle de bain ou tes toilettes ou tout autre lieu de passage fréquent qui se prête bien à tes révisions.

P.S : si tu sais déjà que ce n’est pas pareil et qu’il est possible que tu aies mal utilisé un terme ou confondu les deux, ne t’inquiètes pas, je ne t’en veux pas. Lis bien cet article et on redeviendra de bons amis. Des bisous.


Étymologie, comment ça fait la différence ?


Le mythe vient du grec ancien mythos qui signifie tout bonnement “discours explicatif”. 1

La légende vient du latin médiévale, dérivé du latin classique antique par le terme de legenda. Cela signifie littéralement : “Ce qui doit être lu”.

En fait, la différence est subtile dans les termes mais elle est présente. La légende désigne ce qui doit être lu pour parfaire tes connaissances et ta culture. Le mythe est un simple discours qui se veut explicatif de quelque chose. Pour faire simple, le mythe se veut explicatif mais n’est aucunement véridique. Le mythe n’a même pas vocation à être relatif à la vérité ou à l’histoire humaine. Un mythe se veut juste une explication à un phénomène que l’on ne comprend pas. La légende vise à donner quant à elle une matière à connaissance, un moyen de retenir un fait.

En résumé : cf le tableau ci-dessous.

Mythe Légende
Sens du mot Discours explicatif qui se moque des faits. Ce qui doit être retenu, lu à propos des faits.

Une différence d’objectifs et de fonctionnement


Allons au plus simple, histoire de t’éviter une synthèse de type universitaire digne du premier cycle. Je te jure que tu me remercieras au final.

Le mythe est un discours explicatif qui se torche avec les faits. Littéralement. C’est-à-dire que les mythes grecs par exemple ne prennent pas en compte les démonstrations scientifiques de l’époque. Pas plus qu’ils ne s’intéressent à la véracité. Je souligne ce point encore une fois, mais c’est vraiment pour que cela rentre. Le mythe fait la part belle à la fiction, au divin, à l’ésotérique ainsi qu’à tout ce qui est relatif à la superstition. 2 3

La légende est quant à elle un récit se basant sur un fait réel mais qui se transforme au fur et à mesure de sa transmission. Elle se charge alors d’éléments empruntant au merveilleux afin de donner une charge spirituelle au propos, d’inspirer les générations à venir, etc.

La légende est constitutive d’une société tandis que le mythe se veut fondateur de celle-ci. Il faut aussi savoir que si les légendes sont bien plus prises au sérieux pour leur part factuelle, le mythe fonctionne sur le ressort de la croyance uniquement et il est très probable que les “anciens” ne croyaient pas outre mesure à leurs propres mythes. 4

Une autre différence : la légende est palliative dans le sens où elle complète les connaissances manquantes par des éléments merveilleux. Le mythe lui est intégralement constitué de merveilleux.

Dernier point : plus le temps passe et plus on s’éloigne du fait en question et plus la légende peut s’éloigner des faits. Il est alors possible que la légende se dispense des faits pour se contenter uniquement du merveilleux. Elle devient alors un mythe. Si la légende peut devenir mythe, l’inverse est cependant impossible.

En résumé : cf le tableau ci-dessous. Oui, encore.

Légende Mythe
Constitué de Faits. Éléments merveilleux. Éléments merveilleux.
Fonctionnement Narratif. Palliatif aux manques de connaissances. Constitutif. Fondateur. Explicatif. Fictif.
Incite à Apprendre et connaître. Accepter et croire.
Évolution possible En faits vérifiés. En mythe si perte de connaissances. Reste un mythe.

Pourquoi c’est devenu le bordel ? A quel moment ça a dérapé ?


En bon antiquisant je dirai : “Comme d’habitude, au Moyen âge.”5

Mais plus sérieusement, il faut que je donne une explication plus complète.

La légende change de sens au Moyen âge avec les récits de vie des saints chrétiens. Comme on manque bien souvent d’éléments de connaissances sur leur propre vie, les auteurs ont complété allègrement avec des éléments merveilleux. Parallèlement, les légendes ont pris une orientation différente puis que avec l’idéologie chrétienne, elles avaient la charge d’influencer spirituellement les croyants. Les légendes se sont alors très fortement rapprochées des mythes en faisant la part belle au merveilleux. Cela a contribué a flouter les frontières entre mythes et légendes.

C’est ce qui continue encore de nos jours à poser pas mal de soucis à nombre d’entre-nous.

En résumé : Le moyen âge c'est la merde. L'antiquité c'est mieux. Le christianisme a encore bien foutu sa merde. Les gens sont des abrutis pour se laisser avoir par un tel flou et de telles croyances.6


En somme ?


C’est simple. Le mythe est un récit de pure croyance. La légende est une broderie autour des faits. Si vous parvenez à retenir cela, vous devriez ne plus avoir de soucis.

Par ailleurs, le mythe n’est pas étudié comme un objet d’histoire factuel mais comme une expression de la mentalité des sociétés étudiées sur une période donnée. Inversement, la légende est étudiée de manière plus sérieuse afin de déterminer quelle part est véridique et sur quoi elle nous renseigne. Ainsi, la légende de la fondation de Rome a été étudiée sérieusement pendant des décennies. Finalement, elle a été confirmée pour sa partie factuelle par des preuves archéologiques.7

Mais si vous peinez encore à différencier mythes et légendes, voici une grille avec de jolies petites cases à cocher pour savoir à quoi vous avez à faire et le degré de confiance que vous pouvez donc y accorder.

Légende Mythe
Utilise des éléments factuels ? Oui Non
Uniquement avec du merveilleux ? Non Oui
A une fonction d’Histoire ? Oui Non
Possède une fonction uniquement fondatrice ? Non Oui
Objectifs ? Donner à apprendre. Donner des raisons de croire.
Conclusions : Il y a matière à vérifier et il faut faire la part des choses pour démêler le vrai du merveilleux. Aucune raison d’y faire confiance. N’est intéressant que pour son aspect sociologique.

Sources et notes



  1. Pour tout ce qui est étymologie, je recommande deux options. L’option du flemmard pragmatique consistera à aller chercher sur le CNRTL dans l’onglet étymologie le terme qui nous pose soucis. L’option des barbares masochistes blonds adorateurs de renard consistera à prendre latin en 6° avant de commencer le grec ancien en seconde avant de passer un bac lettres anciennes et d’enchaîner sur une formation universitaire du même type. Choisissez judicieusement ! ↩︎
  2. Le mythe des androgynes d’Aristophane est un bon exemple et probablement le plus connu. Cependant,tous les mythes cosmogoniques et les récits de création du monde et de l’univers suivent le même principe. Ils ont recours aux mêmes ficelles explicatives et reposent sur le même socle fictif. ↩︎
  3. Pour ceux qui ne savent pas de quoi je parle, je vous conseille d’aller regarder cette courte vidéo sur ce mythe. ↩︎
  4. A ce sujet, il faut lire Paule Veyne et ses travaux sur le rôle constitutif des croyances gréco-romaines. En voici un exemple. ↩︎
  5. Durant les études d’Histoire, il est fréquent de dénigrer affectueusement et sous couvert d’humour les autres périodes. Les antiquisants se moquent ainsi du Moyen âge et des médiévistes en disant que après la civilisation antique, c’est devenu n’importe quoi au Moyen âge. Cela reprend la théorie – erronée – des âges obscurs qui a été formulée à l’encontre du moyen âge. A noter qu’il y avait en parallèle une théorie du même type sur la Grèce antique. ↩︎
  6. De l’ironie et du second degré se sont glissés dans ce résumé. Sauras-tu les retrouver ? ↩︎
  7. Les légendes concernant la fondation de Rome donnent plusieurs éléments factuels qu’on a longtemps cherché à vérifier. Si la question des augures et des auspices relève du merveilleux, des éléments comme la date de 753 av.J.C ont suscité l’intérêt des historiens et incité à une vérification. Les preuves archéologiques ont mis à mal le côté merveilleux des traditions romaines entourant la fondation de Rome mais elles ont corrélé plusieurs éléments de datation. “La découverte des restes incontestables d’une délimitation urbaine au VIIIe siècle av. J.-C. autour du Palatin renvoie pour A. Carandini et A. Grandazzi à la fondation romuléenne de Rome. Selon A. Grandazzi le mythe de la fondation de Rome renverrait bien à un événement historique et à un personnage historique, que nous connaissons en tant que Romulus, dont la mémoire a été conservée et mythifiée, à travers notamment l’action de Servius Tullius.” Cependant, cela est encore le sujet de débats quant à la part de véracité historique de Romulus dans la légende romaine. ↩︎

5 commentaires Ajouter un commentaire

  1. sherardia dit :

    C’est super intéressant, merci! Au bilan, la légende s’inscrit plutôt dans le champ de l’histoire, et le mythe plutôt dans celui de la sociologie. Et je retiens que nombre de manipulateurs de masse essayent de nos faire gober des mythes comme étant des légendes…

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    1. Ardes dit :

      La légende s’inscrit dans le champs de l’Histoire de manière plus directe que le mythe, effectivement.

      Le mythe relève plus de la sociologie mais mais uniquement. L’impact du mythe sur une population donnée peut avoir des conséquences qui relèvent elles de l’Histoire. Le mythe de l’autochtonie grecque par exemple a été un moteur de conflits tout autant qu’il a véhiculé une sentiment national grecque qui explique en partie la facilité des alliances grecques dans le style de la ligue de Délos.

      Le mythe a aussi sa place en Histoire quand il s’agit d’une approche historique comparative. Déterminer ce qui relève du mythe ou de la légende inclut les deux dans le cadre de la recherche historique. 😉

      Malgré cela, oui, ce qui est un mythe avéré nous est souvent vendu comme les légendes avec un fond de réel. Le mythe des Atlantes est peut-être le plus classique dans le genre.

      P.S : désolé pour le retard, j’ai d’autres préoccupations que les commentaires en ce moment. 😉

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  2. Romain Guillemot dit :

    Passionnant… Mais du coup, Jesus Christ, personnage historique on peut légitimement douter… Alors Mythe ou Légende ?

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    1. Ardes dit :

      C’est compliqué parce qu’on distingue beaucoup de choses quand on traite de la véracité historique d’un personnage comme Jésus, Socrate, Bouddha et tant d’autres. Il y a un article en cours d’écriture sur le sujet mais la complexité de la recherche me pose surtout problème pour le rendre accessible et compréhensible.

      Je vais devoir vous laisser patienter jusqu’à la sortie de l’article. Je ne voudrais pas vous fournir une réponse rapide qui serait forcément trop succincte et malgré moi fausse.

      Normalement, ce serait aussi l’endroit où je vous dirais de participer au financement des articles en regardant une pub sur tipeee par exemple mais bon, l’auto-promo, toussa. 😀

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  3. Franchement, superbe article, et oui, beaucoup de personnes se posent la même question ! Il était temps de sortir une réponse complète, fiable,et concrète comme celle-ci. Bravo. Les mythes sont bien fondés sur d’autres bouts d’histoires réelles, j’ajouterais afin de mieux encore différencier mythes et légendes. Bonne route et bravo encore !

    Aimé par 1 personne

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